- MESURE (sciences humaines)
- MESURE (sciences humaines)MESURE, sciences humainesLa mesure est la représentation d’un système relationnel empirique par un système relationnel numérique.On a soutenu longtemps que dans les sciences humaines on ne pouvait obtenir au mieux que des échelles ordinales mais pas d’échelles d’intervalles et a fortiori d’échelles de rapport. On allègue pour cela le fait que dans ces sciences l’opération empirique de concaténation est impossible et que l’opération d’addition qui lui correspond dans le système des nombres n’a pas de sens.Les recherches mathématiques récentes ont montré que l’opération de concaténation n’était pas indispensable pour qu’on puisse fonder l’existence d’une échelle de mesure où des opérations telles que l’addition aient un sens. On peut faire ordonner sous l’angle de la préférence des objets qui varient sous deux aspects: par exemple, des emplois qui diffèrent par le traitement qu’ils assurent et l’intérêt qu’ils présentent. On peut encore faire comparer non seulement deux objets mais les différences entre deux couples d’objets: par exemple, demander si la différence entre deux objets a et b , du point de vue de l’attrait qu’ils présentent, est plus ou moins grande que la différence entre deux objets c et d . Sous certaines conditions, on peut représenter par des valeurs numériques et sur une échelle d’intervalles les valeurs d’attrait des objets: il faut, certes, vérifier que les données empiriques satisfont aux conditions impliquées par l’axiomatique, pour qu’une telle représentation soit légitime. Cette vérification est possible directement à partir des données de la situation.Pour certains types de jugements et pour certaines situations, on dispose donc d’une axiomatique permettant de fonder une mesure et de légitimer directement des opérations telles que l’addition. Dans beaucoup de cas cependant, on parle de mesure, alors qu’on ne dispose pas d’une axiomatique au sens défini plus haut. On parle, par exemple, de mesure des attitudes, des aptitudes, de l’intelligence. Alors la réponse à des questions telles que celle-ci: «Peut-on comparer les différences entre des quotients intellectuels?» est moins évidente. Beaucoup de techniques de mesure utilisées dans ces derniers domaines sont fondées sur des modèles faisant intervenir, outre des relations identifiables empiriquement (par exemple, comparaison et relation d’ordre), des hypothèses qui ne sont pas vérifiables directement à partir des données sur lesquelles portent la mesure. Ainsi, dans la théorie des tests, on fait souvent l’hypothèse que les capacités intellectuelles sont réparties dans la population selon une courbe de Gauss: cela permet d’obtenir une échelle d’intervalles. La légitimité des opérations correspondant au niveau de mesure ainsi obtenu ne peut alors être discutée à partir de considérations purement formelles: elle peut être évaluée de façon indirecte par la plus ou moins grande cohérence des résultats auxquels on aboutit sur la base de cette hypothèse, et par ce que l’on connaît par ailleurs de phénomènes qu’on considère comme étant de même type.Dans d’autres cas encore, on demande au sujet d’évaluer directement des objets sur une échelle comportant un certain nombre de valeurs numériques: la tâche est d’estimer la longueur d’une ligne, la valeur d’une copie, la fréquence d’un événement, etc. On parle encore, dans ce cas, de mesure, alors qu’au sens strict il s’agit seulement d’estimation. Cela s’explique par la considération suivante: si l’on dispose d’un nombre suffisant d’estimations émanant de juges différents, on peut penser qu’on a quelque chose qui se rapproche d’une mesure objective. Il est possible de le vérifier si l’on dispose d’une mesure objective indépendante; on peut avoir des raisons sérieuses de le supposer, même si aucune vérification directe n’est permise.On ne saurait restreindre la légitimité de la mesure aux seuls cas où l’on peut le fonder sur une axiomatique permettant une vérification directe. Il importe cependant, dans les autres cas, d’avoir une claire conscience des hypothèses sur lesquelles est fondée la technique de mesure et de garder le souci d’en tester la validité de manière indirecte.
Encyclopédie Universelle. 2012.